7 septembre 2016

Le cri

En 2005, l’ONU estimait le nombre de sans-abri à 100 millions à travers le monde. En 2015, on estimait qu’il y avait 1,6 milliards de gens qui n’avaient pas de logement adéquat – soit le quart de la population mondiale. Pourtant ni l’argent ni la nourriture ne manquent dans le monde, mais ces ressources sont concentrées entre les mains de gens qui choisissent de ne pas partager, de détourner des fonds ou d’ignorer délibérément le sort misérable de leurs semblables. 
     Les réfugiés sont des personnes qui n’ont plus de toit, qui ont perdu leurs biens, qui n’ont plus de racines, qui ont faim et qui n'ont plus de contrôle sur leur destinée; ce sont des victimes des guerres, des compétitions économiques et des machinations politiques; ils vivent dans un no man’s land brutal, hantés par d’inimaginables anxiétés et tribulations. Certains pays ont fait preuve de grande générosité tandis que d’autres ont fait preuve de dureté et les camps de détention ont rendu la vie des réfugiés aussi misérable sinon pire qu’avant. 
     Collectivement, plusieurs pays occidentaux se dissocient de ces injustices, ne voient pas comment ils pourraient aider ou s’efforcent de consolider leur position financière dans le monde. Or l’indignation ne compense pas l’apathie et l’inaction. L’empathie qui ne produit pas une quelconque action positive devient un ulcère purulent. (Philip Lindsay, Ageless wisdom philosophy) 



Le cri

Lorsque le passager, sur un vaisseau qui sombre,
Entend autour de lui les vagues retentir,
Qu'à perte de regard la mer immense et sombre
Se soulève pour l'engloutir,

Sans espoir de salut et quand le pont s'entrouvre,
Parmi les mâts brisés, terrifié, meurtri,
Il redresse son front hors du flot qui le couvre,
Et pousse au large un dernier cri.

Cri vain! cri déchirant! L'oiseau qui plane ou passe
Au delà du nuage a frissonné d'horreur,
Et les vents déchaînés hésitent dans l'espace
À l'étouffer sous leur clameur.

Comme ce voyageur, en des mers inconnues,
J'erre et vais disparaître au sein des flots hurlants;
Le gouffre est à mes pieds, sur ma tête les nues
S'amoncellent, la foudre aux flancs.

Les ondes et les cieux autour de leur victime
Luttent d'acharnement, de bruit, d'obscurité;
En proie à ces conflits, mon vaisseau sur l'abîme
Court sans boussole et démâté.

Mais ce sont d'autres flots, c'est un bien autre orage
Qui livre des combats dans les airs ténébreux;
La mer est plus profonde et surtout le naufrage
Plus complet et plus désastreux.

Jouet de l'ouragan qui l'emporte et le mène,
Encombré de trésors et d'agrès submergés,
Ce navire perdu, mais c'est la nef humaine,
Et nous sommes les naufragés.

L'équipage affolé manœuvre en vain dans l'ombre;
L'Épouvante est à bord, le Désespoir, le Deuil;
Assise au gouvernail, la Fatalité sombre
Le dirige vers un écueil.

Moi, que sans mon aveu l'aveugle Destinée
Embarqua sur l'étrange et frêle bâtiment,
Je ne veux pas non plus, muette et résignée,
Subir mon engloutissement.

Puisque, dans la stupeur des détresses suprêmes,
Mes pâles compagnons restent silencieux,
À ma voix d'enlever ces monceaux d'anathèmes
Qui s'amassent contre les cieux.

Afin qu'elle éclatât d'un jet plus énergique,
J'ai, dans ma résistance à l'assaut des flots noirs,
De tous les cœurs en moi, comme en un centre unique,
Rassemblé tous les désespoirs.

Qu'ils vibrent donc si fort, mes accents intrépides,
Que ces mêmes cieux sourds en tressaillent surpris;
Les airs n'ont pas besoin, ni les vagues stupides,
Pour frissonner d'avoir compris.

Ah! c'est un cri sacré que tout cri d'agonie :
Il proteste, il accuse au moment d'expirer.
Eh bien! ce cri d'angoisse et d'horreur infinie,
Je l'ai jeté; je puis sombrer!

~ Louise Ackermann; 1813-1890 (Poésies philosophiques, 1871)

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