7 décembre 2016

L’influence «des mésanges» sur la bonté humaine

Un des livres de Ruwen Ogien s’intitule ‘L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et autres questions de philosophie morale expérimentale’. 
   «...Tout, en morale, peut et doit être questionné. Les intuitions dont on se réclame ne sont jamais si claires qu'on croit ni si assurées qu'on dit. Les doctrines se contredisent toujours, les principes parfois. Et l'entraide et la bénévolence tiennent à peu de chose : dans un centre commercial, montre une étude savante, les gens exposés aux effluves du four du boulanger rendent significativement plus de menus services que les autres. On pourrait en tirer cette conclusion économique : ne donnez pas de croissants aux gens bons, l'odeur suffit à les moraliser. On attend l'aérosol.» (Roger-Paul Droit, www.lemonde.fr )

Moi c’est le froufrou des mésanges qui me rend peut-être meilleure... Hier, j’ai regardé un de leurs ballets acrobatiques entre 16h et 17h (HNE) sur Ontario FeederWatch Bird Cam (en direct). C’est mon aérosol de bonheur et ça m’accroche un sourire pour un bout de temps... 
   Je commence à connaître les heures de pointe au resto. Il y a parfois de petits accrochages – rien comme le carambolage de lundi sur Côte Beaver Hall à Mtl qui a fait rire des millions d’internautes! Mais, des embouteillages se produisent : ce matin, une quinzaine de durbecs des pins et de gros-becs errants se partageaient le plateau – très coloré! Les geais du Canada (geai gris) adorent le suif. Mais pas autant que la corneille qui s’est envolée avec une motte aussi grosse qu’elle dans le bec – incroyable. La gélinotte huppée et le pic ont leurs heures de visite. Un régal visuel

Gray Jays -- geais du Canada, Ontario Feeder Watch (08/12/2016). Pâmant :

 
http://cams.allaboutbirds.org/channel/38/Ontario_FeederWatch/

Mésange à tête noire (1). Photo : Bill Corwin, WA, Janvier 2009; Cornell Lab of Ornithology.

La mésange ambassadrice

[Il est impossible que j’aie la même mentalité dans les ténèbres que dans la lumière. ... Ceci règle mes rapports avec les objets et les êtres, qui m’apparaissent digne de sympathie ou d’antipathie selon l’éclairage que je projette sur eux.]

Récemment encore j’en eus le vivant témoignage. Comme les pignons de la maison donnent tous sur la campagne, la plupart de nos fenêtres sont constamment ouvertes pour inviter le soleil à entrer. Mais le soleil n’est pas seul à profiter de la permission. Des souris en profitent pour s’introduire dans les chambres et, en dernière heure, une troupe de mésanges à tête noire a élu domicile dans la nôtre avec assiduité. L’effronterie de ces délicieux animaux n’a pas de limites. Chacun d’eux volette de la glace à l’armoire, de la table de toilette au poste d’eau. C’est froufrou continuel de petites ailes, une inspection minutieuse de tous les objets par de petits becs. On court sur la couverture du lit, on essaie de déchiqueter un bout de dentelle, on bouscule une éponge, on cherche des vers dans les vieux meubles, le tout accompagné de menus cris vifs, aussi fins que du fil de verre et de petites crottes corrosives qui ponctuent chaque phrase du discours. 
   J’ai fini par trouver révoltante cette familiarité et ce sans-gêne, en dépit de mon entourage qui juge tout cela charmant. La vue du paravent, transformé en juchoir et constellé d’ornementations que son décorateur n’avait pas prévues, a mis le comble à mon impatience, puis à mon irritation. J’ai fermé les fenêtres durant un temps. Dès que je les ai ouvertes, les mésanges sont revenues. Un jour j’en ai surpris une et l’ai enfermée de longues minutes, pensant ainsi l’effrayer. Rien n’y fait et, l’autre soir, alors que nous gagnions notre couche, nous aperçûmes une mésange impassible juchée sur la tringle des rideaux. 
   En vain les miens plaidèrent la cause du petit oiseau, promirent qu’il serait bien sage, que la nuit était avancée et qu’il gèlerait bientôt, je ne pus supporter l’idée des souillures microscopiques. La baie fut grande ouverte sous la lune et la mésange mise dehors. Ce ne fut pas sans mal, au surplus; la bestiole fit tout pour ne pas être prise et pour rester juchée près des grands «frères» humains. On dut la saisir à la main et la poser sur une branche d’où elle partit, je ne sais où, avec un cri dépité.

Vérification des pouvoirs

Les reproches qu’on me prodigua m’ouvrirent les yeux peu à peu. Qu’est-ce qu’une crotte de plus ou de moins quand on entend battre des ailes? 
   C’est très joli d’écrire de belles phrases et d’émettre de bonnes pensées. Il est encore plus beau de les vivre, même avec les infiniment petits. Aussi j’ai complètement changé de ton en ce qui concerne les mésanges. Je ne cherche plus à compter leurs déprédations mais à additionner leurs bienfaits. Oui, j’étais indigne de cette menue confiance, de ce marivaudage emplumé. Je ne crois pas cependant que les petits oiseaux m’aient gardé rancune de mon intolérance. La preuve, c’est que les miens sont entrés dans mon cabinet avec de triomphantes clameurs.
   – Regarde, papa, m’ont-ils dit en brandissant mon verre à dents décoré de perles blanches, la mésange a mis son obole dedans.
   Heureusement la mésange n’est pas rancunière. Dès la nuit suivante, je retrouvai la boule de plumes dans mes rideaux. 
   Depuis je me considère comme très honoré et n’ose plus fermer la fenêtre de ma chambre de peur, qu’au crépuscule, le petit hôte ne puisse entrer. Le matin, au jour, j’entends s’ébrouer notre mésange qui se réveille. J’allume l’électricité, l’oiseau tourne gentiment autour de nos têtes et heurte de temps en temps les carreaux. Je me lève alors et rabats les volets de la baie. La visiteuse sort comme une flèche et se pose sur le saule le plus voisin. Je l’appelle et nous conversons, elle dans sa langue d’oiseau, moi dans mon langage d’homme.

~ Georges Barbarin (Vivre avec le divin)

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(1) La mésange est un oiseau presque universellement considéré comme «mignon» à cause de sa grosse tête ronde, son corps minuscule, et sa curiosité vis-à-vis de tout, y compris les humains. Son habitude d'enquêter sur les gens et son territoire, et sa rapidité à découvrir les mangeoires, en font l'un des premiers oiseaux que les gens apprennent à reconnaître. 
   Ce minuscule oiseau a un cou court et une grosse tête, ce qui donne un caractère distinctif à son corps, plutôt sphérique. Il possède aussi une longue queue étroite et un bec court un peu plus épais que celui du gobe-mouche mais plus mince que celui du roselin. Sa calotte et sa bavette noires, ses joues blanc-gris, ses plumes grises du dos, des ailes et de la queue, et sa poitrine blanchâtre (chamois sur les côtés) sont caractéristiques. 
   Les mésanges à tête noire ne restent pas aux mangeoires; elles attrapent une graine et la mange ailleurs. Elles recherchent leur nourriture de façon active et acrobatique, par bandes en dehors de la pariade. On les voit souvent virevolter à travers les routes et les zones ouvertes. On peut trouver des mésanges dans les habitats où il y a des arbres ou des arbustes, dans les forêts et les boisés, dans les quartiers résidentiels et les parcs, et parfois dans les hautes herbes et les marais de quenouilles. Elles nichent souvent dans les bouleaux ou les aulnes. (Inspiré de la description de Cornell Lab of Ornithology)

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